L’Église,
casta meretrix, a une vocation particulière vis à vis de la
prostitution:
- accueil des personnes prostituées comme des frères et sœurs qui bien souvent nous précèdent dans la foi,
- et combat contre les logiques de la prostitution qui pervertissent la foi et l'amour dans leurs fondements les plus intimes en chaque individu et à travers la société.
Tamar,
ancêtre de Joseph, le père adoptif de Jésus-Christ, a subi
l'injustice et la violence des hommes, Er, puis Onan, puis Juda. Elle
s'est finalement « déguisée » en prostituée pour
obtenir un enfant de Juda. Sa résistance à l'égoïsme mâle des
hommes pour la vie a été justifiée. Aujourd'hui toujours la
prostitution est matériellement liée aux inégalités entre femmes
et hommes, à la pauvreté, aux inégalités entre Nord et Sud et aux
violences que se permettent plus facilement les hommes sur les femmes
et les enfants : 80% des personnes prostituées ont été
victimes de violence et d'abus dans l'enfance. Aujourd'hui encore,
elles manifestent une force de vie, une soif d'amour vrai que
l’Église a le devoir de justifier : accueillir les
survivantes de la prostitution, leur donner la parole.
Rahab,
autre ancêtre de Joseph, a permis la victoire de Josué sur Jéricho
et la réalisation de la promesse faite au peuple libéré d’Égypte
d'entrer sur la Terre. Sa participation à la réalisation du Salut
s'accompagne d'une profession de Foi. En cette année de la Foi,
n'est-ce pas l'occasion de se convertir, de tourner notre regard vers
celles que Jésus avait montrer en exemple aux prêtres qui
l'interrogeaient, vers les personnes prostituées qui ont cru en la
prédication du Baptiste, qui aujourd'hui croient en un monde de
justice et d'amour vrai ?
Osée
a épousé une « femme de prostitution » pour montrer de
quel amour Dieu aime l'humanité. Se faisant, une sorte d'équation
est posée pour comprendre comme l'humanité reflète l'amour de
Dieu, mais aussi comment elle peut le trahir : Amour entre époux
et épouse = Foi ; Prostitution = Idolâtrie ; Amour
« vrai » ≠
Prostitution ; Foi ≠
Idolâtrie. La négation de l'amour que vivent au quotidien les
personnes prostituées leur font aspirer au vrai amour, à une vraie
foi. J'ai rencontré une jeune femme, K, albanaise victime de la
traite, qui nous a témoigné n'avoir jamais cessé de mettre sa
confiance dans le Seigneur, là où personnellement, à la seule
audition de son récit, j'aurais douté cent fois de Sa justice. Oui,
elles peuvent être nos maîtresses-enseignantes dans la Foi.
Cependant le mariage formel n'est pas en soi une antidote contre la prostitution. Osée supplie et promet à sa femme : « Et
il adviendra en ce jour _ oracle du Seigneur _ que tu m'appelleras
« mon époux » et tu ne m'appelleras plus « mon
Baal », mon maître ». Les relations de dominations et de
violence peuvent facilement s'infiltrer dans un couple, d'autant plus
quand la prostitution concrète rode dans le contexte social. Je le
constate cruellement dans ma propre expérience d'époux. Il me
semble sous ce jour-là que, si le mariage est sacrement, c'est
qu'il est radicalement contre toutes logiques prostitutionnelles.
A la suite de Saint-Augustin, l’Église doit affirmer aux hommes
qui sont tentés d'être client de la prostitution, et ainsi se faire
complices de tous les trafics qui y sont liés : « N'y
allez pas ! » (17ème sermon, pour la fête des Macchabées). Il faudrait aider un discernement spirituel chez les
épouses et les époux, et chez les fiancéés, pour les aider à
lutter au quotidien dans le couple contre toutes ces petites et
grandes violences qui relèvent et participent des mêmes logiques
que ce qu'on retrouve dans la prostitution : relations sexuelles
où l'un consent à l'autre sans désir, inégalités économiques et
dépendances affectives, humiliations, etc. En somme, que les époux
chrétiens ne deviennent pas l'un pour l'autre des Baals.
Nombreux
sont les chrétiens, et les femmes et hommes de bonne volonté, qui
s'engagent auprès des personnes prostituées, et qui, de multiples
manières, œuvrent à un monde sans prostitution. Pourtant cet enjeu
ne semble être considéré comme central ni par la majorité des
fidèles, ni par le magistère. Alors que par ma propre expérience,
je peux témoigner qu'aller à la rencontre des personnes
prostituées, faire
face au système prostitueur, c'est une voie privilégiée pour aller
« aux périphéries » de l’Église et de la société
tout en progressant dans le cœur de la foi.
C'est pourquoi je crois que l’Église rencontre aujourd'hui un
temps opportun pour retrouver cette vocation à s'identifier aux
personnes prostituées tout en luttant pied à pied contre la
prostitution et l'idolâtrie, à être la chaste pute, casta
meretrix.
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