jeudi 29 août 2013

L'Eglise, la "chaste pute", doit se convertir à la foi des personnes prostituées, et lutter contre l'idolâtrie de la prostitution.


L’Église, casta meretrix, a une vocation particulière vis à vis de la prostitution:
  • accueil des personnes prostituées comme des frères et sœurs qui bien souvent nous précèdent dans la foi, 
  • et combat contre les logiques de la prostitution qui pervertissent la foi et l'amour dans leurs fondements les plus intimes en chaque individu et à travers la société.

Tamar, ancêtre de Joseph, le père adoptif de Jésus-Christ, a subi l'injustice et la violence des hommes, Er, puis Onan, puis Juda. Elle s'est finalement « déguisée » en prostituée pour obtenir un enfant de Juda. Sa résistance à l'égoïsme mâle des hommes pour la vie a été justifiée. Aujourd'hui toujours la prostitution est matériellement liée aux inégalités entre femmes et hommes, à la pauvreté, aux inégalités entre Nord et Sud et aux violences que se permettent plus facilement les hommes sur les femmes et les enfants : 80% des personnes prostituées ont été victimes de violence et d'abus dans l'enfance. Aujourd'hui encore, elles manifestent une force de vie, une soif d'amour vrai que l’Église a le devoir de justifier : accueillir les survivantes de la prostitution, leur donner la parole.

Rahab, autre ancêtre de Joseph, a permis la victoire de Josué sur Jéricho et la réalisation de la promesse faite au peuple libéré d’Égypte d'entrer sur la Terre. Sa participation à la réalisation du Salut s'accompagne d'une profession de Foi. En cette année de la Foi, n'est-ce pas l'occasion de se convertir, de tourner notre regard vers celles que Jésus avait montrer en exemple aux prêtres qui l'interrogeaient, vers les personnes prostituées qui ont cru en la prédication du Baptiste, qui aujourd'hui croient en un monde de justice et d'amour vrai ?

Osée a épousé une « femme de prostitution » pour montrer de quel amour Dieu aime l'humanité. Se faisant, une sorte d'équation est posée pour comprendre comme l'humanité reflète l'amour de Dieu, mais aussi comment elle peut le trahir : Amour entre époux et épouse = Foi ; Prostitution = Idolâtrie ; Amour « vrai » Prostitution ; Foi Idolâtrie. La négation de l'amour que vivent au quotidien les personnes prostituées leur font aspirer au vrai amour, à une vraie foi. J'ai rencontré une jeune femme, K, albanaise victime de la traite, qui nous a témoigné n'avoir jamais cessé de mettre sa confiance dans le Seigneur, là où personnellement, à la seule audition de son récit, j'aurais douté cent fois de Sa justice. Oui, elles peuvent être nos maîtresses-enseignantes dans la Foi.

Cependant le mariage formel n'est pas en soi une antidote contre la prostitution. Osée supplie et promet à sa femme : « Et il adviendra en ce jour _ oracle du Seigneur _ que tu m'appelleras « mon époux » et tu ne m'appelleras plus « mon Baal », mon maître ». Les relations de dominations et de violence peuvent facilement s'infiltrer dans un couple, d'autant plus quand la prostitution concrète rode dans le contexte social. Je le constate cruellement dans ma propre expérience d'époux. Il me semble sous ce jour-là que, si le mariage est sacrement, c'est qu'il est radicalement contre toutes logiques prostitutionnelles. A la suite de Saint-Augustin, l’Église doit affirmer aux hommes qui sont tentés d'être client de la prostitution, et ainsi se faire complices de tous les trafics qui y sont liés : « N'y allez pas ! » (17ème sermon, pour la fête des Macchabées). Il faudrait aider un discernement spirituel chez les épouses et les époux, et chez les fiancéés, pour les aider à lutter au quotidien dans le couple contre toutes ces petites et grandes violences qui relèvent et participent des mêmes logiques que ce qu'on retrouve dans la prostitution : relations sexuelles où l'un consent à l'autre sans désir, inégalités économiques et dépendances affectives, humiliations, etc. En somme, que les époux chrétiens ne deviennent pas l'un pour l'autre des Baals.

Nombreux sont les chrétiens, et les femmes et hommes de bonne volonté, qui s'engagent auprès des personnes prostituées, et qui, de multiples manières, œuvrent à un monde sans prostitution. Pourtant cet enjeu ne semble être considéré comme central ni par la majorité des fidèles, ni par le magistère. Alors que par ma propre expérience, je peux témoigner qu'aller à la rencontre des personnes prostituées, faire face au système prostitueur, c'est une voie privilégiée pour aller « aux périphéries » de l’Église et de la société tout en progressant dans le cœur de la foi. C'est pourquoi je crois que l’Église rencontre aujourd'hui un temps opportun pour retrouver cette vocation à s'identifier aux personnes prostituées tout en luttant pied à pied contre la prostitution et l'idolâtrie, à être la chaste pute, casta meretrix.




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